Je suis coach exécutif et j’aide les femmes cadres et dirigeantes à gagner plus de pouvoir au bureau et dans la vie.
Moi, c’est Kaouthar Trojette.
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Hello hello !
Bienvenue dans cette 37e édition de Toutes Puissantes ! On est 1630. Que tu sois ici depuis le début ou que tu viennes de nous rejoindre, mille mercis de me lire.
J’ai eu une prise de conscience énorme récemment. Cinq ans après avoir quitté mon dernier poste salarié, j’ai réalisé que c’était… Une falaise de verre.
Pourtant je suis familière de ce concept depuis 2016, j’accompagne aujourd’hui des femmes à éviter ces pièges. Et pourtant, je suis moi-même tombé en plein dedans.
Alors j’ai décidé de partager mon expérience, les signes que je n’ai pas su voir, et bien sûr ce que je ferais différemment aujourd’hui.
C’est parti !
Si tu me découvres, voici les liens importants pour apprendre à me connaître et aller plus loin :
“On a pensé à toi pour un poste en Inde. Tu vas créer ton équipe, travailler sur une nouvelle technologie.”
Voilà l’offre qui m’a été faite janvier 2018 : quitter le Royaume-Uni où je vivais depuis 6 ans pour travailler sur un nouveau projet en Inde.
Celui qui me fait cette proposition, je le connais bien : c’est un de mes anciens managers, et sponsor, avec qui j’ai une excellente relation de confiance.
Il sera à Houston, avec l’autre partie de mon équipe.
Je lui demande le critère de succès de ce poste. Il me répond que c’est de monter l’équipe indienne, faire prendre la mayonnaise, gérer le projet et la cohésion de cette équipe distribuée.
Ça tombe bien ! Gérer l’aspect humain, c’est une de mes forces. Bring it on!
Je vois bien que la différence horaire va jouer contre nous : à quelle fréquence va-t-on pouvoir voyager pour se synchroniser ? Ça c’est à moi de le déterminer, et il est d’accord : ça va être nécessaire.
En parallèle de ça, je suis à la tête du réseau féminin de cette multinationale. Je connais, sur le bout des doigts, les problématiques que rencontrent les femmes au travail.
La falaise de verre en fait partie.
La falaise de verre, c’est quand on offre à une femme un poste à hautes responsabilités, très compliqué et risqué. Ou encore qu’on le lui offre en temps de crise.
Typiquement : Theresa May qui devient 1er Ministre au UK juste après le Brexit, c’est une belle falaise de verre.
Elisabeth Borne, nommée 1er Ministre au moment de la réforme des retraites, re-belote.
Pourtant sur le moment, je ne vois rien venir.
Rien. Nada. Niente.
Alors qu’avec du recul :
🟣 Piloter une équipe sur 2 continents
🔵 qui ont zéro horaire de travail en commun,
🟡 avec la majorité des acteurs de terrain peu expérimentés sur un continent et
🟠 la majorité des décisionnaires et des personnes expérimentées sur l’autre.
🔴 Le tout dans un contexte de visas refusés, et de voyages annulés.
Oui : c’est mission impossible.
Et pourtant j’ai sauté à pieds joints dans ce projet.
Parce que quand tu la gravis, une falaise de verre ressemble plutôt à un Everest d’opportunités…
Quand on pense falaise de verre, on s’imagine un poste au sommet (ou pas loin) de la pyramide. Ou au moins un “stretch assignment” pour la femme en question, c’est-à-dire une mission où ses compétences sont a priori légèrement inférieures pour réaliser les missions confiées, mais où son potentiel de développement lui permettra d’acquérir progressivement les compétences adéquates.
On voit aussi une falaise de verre comme une offre que la femme en question peut difficilement refuser, comme l’opportunité de sa vie, qui ne se présentera plus si elle dit non.
Dans mon cas, ce n’était pas un poste “au sommet”. C’était un poste de management, avec plus de responsabilités que mon précédent, mais comme j’en avais déjà eu 3 auparavant, je m’y sentais tout à fait légitime, c’était la suite logique. Une belle opportunité, oui, mais pas la “chance de ma vie”.
Il n’y avait pas particulièrement de contexte de crise.
Les obstacles dans mon poste sont nés de conditions externes, et progressivement :
Par conséquent, il fallait de plus en plus régulièrement “compenser” pour une urgence, par un meeting en soirée par-ci, un appel tôt le matin par-là.
Jusqu’à ce que je n’ai plus une soirée “à moi” et que je me retrouve à manger le soir en visio face à mon ordi, le ventre noué par le stress.
Mais tout du long j’avais une relation de confiance avec ma (nombreuse) hiérarchie, disséminée entre Inde, France et États-Unis. Eux aussi faisaient des sacrifices de leur côté. On avait ce sentiment d’être unis, tous dans le même bateau. Arrêter de me sur-investir me semblait un acte égoïste qui allait les obliger à se sacrifier, eux, davantage.
Plutôt qu’une falaise de verre, en le vivant, j’ai plutôt eu l’impression que la terre se dérobait très progressivement sous mes pieds.
Ça me rappelle la “fable de la grenouille” :
Si on plonge subitement une grenouille dans l’eau chaude, elle s’échappe d’un bond. Alors que si on la plonge dans l’eau froide et qu’on porte très progressivement l’eau à ébullition, la grenouille s’engourdit ou s’habitue à la température pour finir ébouillantée.
Est-ce que j’aurais pu me rendre compte de cette falaise qui se creusait ?
Oui, j’en suis convaincue.
Alors avec le recul, quels signes auraient dû me mettre la puce à l’oreille ?
Le concept de falaise de verre est encore très méconnu. J’ai rarement lu de témoignage de femmes qui l’ont vécu de l’intérieur. La conséquence, c’est que même quand on connaît ce concept “en théorie”, on a du mal à le voir quand on est dedans.
C’est pour cela qu’il est ESSENTIEL de partager les signes que j’aurais aimé pouvoir reconnaître.
Concrètement, c’est cette impression d’être en plein dans un tunnel et qu’il faut “taper dedans”. Tu sens que tu travailles dans l’urgence, que tu cours en permanence, tu as l’impression qu’il n’y a “pas le temps”, et tous les gens autour partagent ce sentiment d’urgence. Et cette urgence, elle est permanente.
Ça, c’est un signe que tu as enclenché le “mode combat” (et que les gens autour de toi aussi). Le mode combat est génial … sur de courtes périodes. Il te permet de te focaliser, d’aller droit au but, de faire au plus vite. Sauf qu’il t’épuise.
Les pensées-type à reconnaître :
Pour ma part, je me retrouvais à manger devant mon ordi, à me retenir d’aller aux toilettes tellement c’était la course (dans ma tête) – et ça impactait ma santé.
C’est faire passer les besoins des autres avant les tiens. Non seulement tu arrêtes d’écouter tes signaux internes, mais en plus tu focalises ton énergie à reconnaître les besoins des autres pour mieux y répondre. Ici c’est le mode soumission qui est enclenché.
Les pensées-type à reconnaître :
Dans mon cas je finissais tard le soir, j’acceptais d’en faire toujours plus en pensant que ça protègerait mes équipes ou que ça compenserait pour débloquer la situation.
Ce comportement va généralement de pair avec la sur-adaptation. C’est le côté sacrificiel : tu vas donner de ta personne pour aider (ou sauver) les autres et faire que ça marche. Quoi qu’il t’en coûte.
Les pensées-type à reconnaître :
Je me retrouvais à aller travailler alors que j’étais malade, pour ne pas “pénaliser” l’équipe, et à en faire plus au lieu de déléguer.
Concrètement, c’est faire l’amalgame entre ta valeur en tant qu’être humain, et la réussite de la mission. En même temps, on a tellement été formatées à ça dans le système scolaire de notation que c’est très facile d’y succomber.
Tant que tu as de bons résultats, ça te conforte sur ta valeur (ce qui est déjà dangereux en soi), mais le jour où les résultats ne sont pas au rendez-vous, ça devient carrément toxique : tu t’auto-flagelles en pensant que ça veut dire quelque chose sur Toi et ta valeur intrinsèque. Par conséquent, tu te mets la pression sur chaque mission et tu t’interdis d’envisager l’échec ou l’abandon. C’est une erreur grave quand on accepte une mission impossible (ou très compliquée), et il est là le piège.
Les pensées-type à reconnaître :
J’étais en plein dans ce schéma, d’autant que je respectais beaucoup certains de mes managers. Je voulais les rendre fiers et quelque part honorer la confiance qu’ils avaient placée en moi. Quitter ce poste n’était même pas une option dans ma tête.
En général quand tu commences à ressentir un impact sur ta santé, c’est que tu es déjà très avancée sur ta falaise. Tous les signes précédents font que tu te coupes progressivement de ton corps et ne les vois pas venir.
Fatigue, système immunitaire affaibli, maladies à répétition, santé mentale en berne, burn-out, dépression, la liste est longue.
Pour ma part je me suis mise à tomber malade environ une fois par mois, et j’ai atteint le fond (ou le pic de la falaise) quand j’ai été diagnostiquée de péri-ménopause à 34 ans, alors que j’essayais d’avoir un bébé.
C’est le signal qui m’a alertée.
Pour moi, cette mission s’est terminée de manière abrupte : presque du jour au lendemain, j’ai pris un arrêt maladie, pour tenter d’avoir un bébé.
La bonne nouvelle, c’est que je l’ai eu ce bébé 🙂 (et j’en ai même eu un deuxième par la suite).
Mais avec le recul, et avec tout ce que je sais aujourd’hui en tant que coach, voici ce que j’aurais fait autrement.
Tant que tu as la tête dans le guidon, tu pédales. Pourtant, pour changer de trajectoire, c’est essentiel de voir que tu fonces droit dans le mur. Et si tu te reconnais dans un ou plusieurs des signes énoncés ci-dessus, pose-toi des questions.
Si la réponse est non, c’est que tu es probablement déjà sur ta falaise de verre.
Dès que tu prends conscience que tu es sur une falaise de verre, ton objectif doit changer. Le but n’est plus de “mener à bien ta mission”, mais de t’en sortir indemne, et pourquoi pas de te propulser. Ça peut sembler cynique. En vrai, c’est pragmatique.
Quand on met une personne brillante dans un système dysfonctionnel, on ne répare pas le système : on casse la personne.
(phrase à te tatouer si besoin, pour ne jamais l’oublier)
Concrètement, il est temps d’actionner ton réseau interne et externe pour préparer tes arrières et identifier des options de sortie.
En cas de besoin, l’option “arrêt maladie” est salutaire, si ta situation de santé s’y prête. Elle te permet de temporiser, de te requinquer, et de ne pas y passer, comme un vulgaire fusible.
Prends un papier et réponds à cette question, en imaginant que tu as carte blanche et un budget illimité, sans AUCUNE restriction.
De quoi as-tu besoin pour te sentir à nouveau en sécurité dans ta vie pro ?
Par exemple, moi, j’avais besoin :
Quand tu auras répondu à cette question, tu vas pouvoir distinguer deux types de besoins : ceux qui sont réalisables et ceux qui ne le sont pas.
Une fois que tu as clarifié tous ces besoins, il est urgent de renégocier avec ta hiérarchie. Partir des éléments factuels qui prouvent qu’on est sur une mission impossible, puis embrayer sur les leviers concrets d’amélioration (les besoins réalisables) ainsi que les risques identifiés (les besoins non réalisables), et leur impact sur la mission.
Ce faisant, tu reprends ton pouvoir de leader : tu ne demandes pas au secours, mais tu expliques la situation en experte et apportes des leviers concrets.
🔻 Et si ta hiérarchie se braque : vois-le comme un énorme red flag ! (cf. clé 2)
Parle de ta situation régulièrement à ton mentor, à ton sponsor, à ta coach.
Tu n’en as pas encore ? c’est le moment de les identifier. D’ailleurs la renégociation est ton opportunité de demander à te faire coacher.
Tu ne sais pas trop par où commencer ?
Tu as peur de ne pas être entendue ?
Tu as du mal à voir comment sortir de là ?
C’est justement pour ça que c’est le moment de t’entourer et d’en parler, pour redresser le cap !
Réserve un appel et faisons un bilan ensemble :
Aujourd’hui je vois avec beaucoup de clarté ce que je ne voyais pas à l’époque, et qui fait que je me suis engouffrée tête la première.
Ce qui fait la falaise de verre, ce n’est pas tant la mission, mais surtout comment on l’aborde. Si on se fixe des critères de succès irréalisables et qu’on se met une pression intenable, de nombreux postes peuvent se transformer en falaise de verre. Est-ce que ça arrive aussi à des hommes ? Oui, sans doute.
Mais, en tant que femmes, nous sommes particulièrement éduquées à être dans le soin des autres et dans le sacrifice de soi, à devoir faire nos preuves dans le monde professionnel. On a l’habitude que les choses soient plus compliquées, plus douloureuses, tant et si bien qu’on peut se retrouver ébouillantées comme notre grenouille du début.
Alors STOP ! Si tu te sens grenouille, SORS de l’eau. Maintenant !
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Si tu as lu jusqu’au bout, mets-moi un coeur au bas de ce post, ça me fera très plaisir.
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